Les clauses-miroirs : quels moyens d’imposer certaines normes européennes de bien-être animal aux importations de produits agricoles et alimentaires ?
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Compte tenu de la concurrence internationale sur le marché européen, du sujet des clauses-miroirs et des demandes sociétales, la mission a analysé les possibilités, à droit international constant, d’imposer aux produits agricoles et alimentaires importés certains procédés et méthodes de production européens. Le champ des normes étant vaste, la mission s’est concentrée sur le bien-être animal et sur l’information des consommateurs à travers l’étiquetage.

Rapport de mission de conseil n°21129-P
Mars 2023
Enjeux
L’Union européenne (UE) est dotée d’un important corpus de normes, compromis entre l’augmentation de la productivité de l’agriculture, la qualité sanitaire des aliments et les demandes sociétales en matière de protection de l’environnement et de bien-être animal. Seules les normes sanitaires et phytosanitaires s’appliquent aux produits importés via la règlementation européenne, les accords internationaux ou des protocoles bilatéraux. Généralement, les procédés et méthodes de production ne sont pas visés par la règlementation à l’importation, ce qui crée des distorsions de concurrence au détriment des produits européens. La problématique est complexe en raison du manque de consensus, tant au sein de l’UE qu’au plan international.
Méthodologie
La mission s’est appuyée sur une abondante bibliographie et a rencontré les acteurs concernés en France (ministères chargés de l’agriculture et des finances, comités consultatifs, organisations professionnelles, ONG, etc.).
La mission a rencontré les directions générales agriculture, santé et commerce de la Commission européenne ainsi que plusieurs parlementaires européens.
L’OMSA, l’OSAV suisse et des juristes auprès de l’OMC ont été consultés.
Résumé
Cette mission s’inscrit dans le prolongement des travaux conduits en 2022 par la Présidence française de l’UE, qui avait fait du sujet des clauses-miroirs l’une de ses priorités, et du rapport de la Commission du 3 juin 2022 sur « l’application des normes sanitaires et environnementales de l’UE aux produits agricoles et alimentaires importés ».
La mission s’est d’abord intéressée au droit de l’OMC qui, depuis 1995, mentionne l’objectif de développement durable dans le préambule de l’accord de Marrakech mais ne prend en compte les considérations morales, climatiques ou environnementales qu’à travers l’article XX du GATT et uniquement sous forme dérogatoire. Une jurisprudence s’est peu à peu construite : cette voie étroite reste dans l’immédiat la plus susceptible de répondre aux attentes des citoyens et des professionnels européens s’agissant du BEA. À terme, l’UE doit user de son influence dans les enceintes multilatérales pour faire évoluer le droit du commerce international à l’aune des nouveaux enjeux planétaires.
Des mesures de réciprocité devraient être systématiquement envisagées dans l’étude d’impact de toute proposition législative qui concerne des procédés et méthodes de production. En ce qui concerne le bien-être animal, une première avancée pourrait être l’interdiction progressive de l’élevage en cages, annoncée par la Commission dès juin 2021. Celle-ci devra néanmoins respecter plusieurs conditions, dont l’exemplarité de la mise en œuvre de l’interdiction en Europe.
L’acceptabilité des accords de libre-échange passe désormais par la prise en compte d’une réciprocité, non seulement du point de vue économique, mais aussi, plus largement, de celui de la durabilité. La mission incite à définir, dans les mandats de négociation confiés à la Commission, les secteurs sensibles qui devraient prioritairement faire l’objet de clauses-miroirs.
Enfin, l’étiquetage des produits offrant la possibilité d’informer les consommateurs sur un certain nombre de procédés et méthodes de production, des campagnes de communication sur les normes officielles européennes permettraient de discriminer positivement l’offre européenne.
Même si le concept de durabilité n’a pas encore de définition claire et nonobstant la complexité des systèmes agricoles et alimentaires, il apparaît judicieux de réglementer au plan européen l’étiquetage du bien-être animal compte tenu du foisonnement de labels dans les États membres. Le mode d’élevage semble être une information pertinente, car la plus évocatrice pour les consommateurs. Compte tenu des travaux qu’elle a déjà engagés, la France peut être force de proposition en Europe, comme ce fut le cas pour le Nutriscore.